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Lettre ouverte à Mahmoud Abbas: Refusez de céder !

Cette lettre, contresignée par 108 militants et auteurs palestiniens et arabes de renom, a été remise en main propre à Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, le 10 avril 2014.

Monsieur le Président Abbas,

Au vu de la pression énorme exercée par Israël et l’Administration américaine sur l’Autorité Nationale Palestinienne afin de négocier un accord final, qui affirmera avoir réglé toutes les revendications et tous les droits passés et présents du peuple palestinien, et considérant l’interruption actuelle des négociations par la pratique habituelle d’Israël de ne pas honorer ses engagements, nous soussignés, universitaires et auteurs Palestiniens et arabes, engagés depuis longtemps pour la cause palestinienne, vous adressons le message suivant :

 1. Nous vous invitons à rester ferme sur les droits nationaux de tous les Palestiniens, et à déclarer qu’aucun individu et qu’aucun groupe d’individus n’a l’autorité absolue pour accepter un accord final au nom du peuple palestinien. Seul le peuple palestinien, dans sa grande diversité, dispose du droit d’accepter ou de rejeter une proposition de règlement final. Toute proposition doit être soumise à l’appréciation du Conseil National Palestinien (CNP) dont les membres sont désignés par tous les Palestiniens dans des élections libres, équitables et ouvertes, et qui se réunissent en toute liberté sans ingérence israélienne.

2. Nonobstant la pression exercée par les États-unis et Israël, le peuple palestinien a un certain nombre de droits fondamentaux individuels et collectifs, et avant tout le droit reconnu internationalement au retour dans sa patrie. Ces droits sont inhérents aux Palestiniens en tant qu’individus, en tant que familles et en tant que peuple ; par leur nature, ces droits ne sont pas sujets à des négociations et ils ne peuvent être bradés en aucune circonstance.

 3. Les paramètres des négociations en cours, comme ceux qui les ont précédés, excluent le droit fondamental des Palestiniens à l’autodétermination, le retour des Israéliens aux frontières d’avant 1967 sans compensations, le retrait de Cisjordanie et de Jérusalem-est de toutes les colonies et de tous les colons israéliens ou même de la majorité d’entre eux, le contrôle en toute souveraineté des Palestiniens sur Jérusalem-est, le contrôle autonome des frontières, de l’espace aérien, de l’eau et des autres ressources naturelles, la liberté de conclure des alliances avec d’autres états - tout ce qui constitue le symbole minimum de la souveraineté. En d’autres termes, ce qui est placé sur la table des négociations, ce n’est pas un Etat palestinien souverain, même dans ces morceaux de la Palestine historique, dont le statut à venir est formellement en cours d’être négocié, mais plutôt l’esquisse, évanescente et clinquante, d’un tel état, totalement inadaptée aux droits et aux besoins de cette minorité même du peuple palestinien résidant actuellement dans les territoires occupés en 1967.

4. Ces négociations ne répondent pas de manière sérieuse aux droits – avant tout le droit de retour – des membres de la diaspora palestinienne qui vivent en exil en dehors de la Palestine historique, et qui constituent près de la moitié du peuple palestinien. Ces négociations ne répondent pas non plus aux droits des Palestiniens qui vivent à l’intérieur de l’Israël d’avant 1967, ce qui comprend le droit à l’égalité avec les citoyens juifs et la restitution de la propriété qui leur a été confisquée au lendemain de la Nakba de 1948. Au contraire, avec la nouvelle revendication qu’Israël soit reconnu comme un  Etat Juif  , ces négociations menacent de confirmer l’acceptation officielle par les Palestiniens de la négation de tous ces droits. Une telle reconnaissance laisserait ces Palestiniens à la merci de la discrimination permanente et, selon toute vraisemblance, à la détérioration de leurs conditions d’existence si ce n’est au nettoyage ethnique pur et simple. En excluant les Palestiniens vivant à l’intérieur d’Israël et ceux qui vivent en exil, le cadre des négociations exclut la majorité du peuple palestinien.

5. Etant donné ce qui précède, si les Palestiniens devaient être consultés via le processus démocratique auquel il a déjà été fait allusion afin de décider de leur sort, il est en effet inconcevable qu’ils acceptent maintenant ou à l’avenir les paramètres des négociations actuelles, qui sont incompatibles avec leurs droits et leurs aspirations légitimes. Nous estimons donc que l’heure est venue, une fois pour toutes, de déclarer la rupture définitive du cadre de ces négociations sans fin établi il y a plus de deux décennies à Oslo, qui n’a fait que gagner du temps pour qu’Israël annexe et colonise plus de territoire et impose des restrictions paralysantes à la vie des Palestiniens. L’heure est donc venue de faciliter un nouveau dialogue parmi le peuple palestinien sur l’avenir et sur les objectifs de la lutte palestinienne, et sur les moyens appropriés de garantir les droits de tous les Palestiniens – ceux qui vivent sous le régime de l’occupation, ceux qui vivent en Israël dans le cadre d’un statut de seconde classe, et ceux qui sont contraints de vivre en exil. Nous sommes certains que vous bénéficieriez du soutien de l’immense majorité du peuple palestinien si vous preniez sur vous de contribuer à faciliter un nouveau dialogue national qui aurait ces objectifs.

6. Il est tout à fait clair, non seulement pour nous mais pour d’innombrables observateurs, que vous serez bientôt, vous-même et votre gouvernement, pris au piège dans une situation impossible, ce qui nécessite une action préventive urgente. Nous vous invitons à prendre l’initiative au lieu d’attendre désespérément le moment inévitable où on vous présentera ce qui sera annoncé au monde comme un ensemble de propositions américaines, neutres et honnêtes, mais qui aura été en réalité concocté en commun avec Israël et qui sera incompatible avec les droits fondamentaux du peuple palestinien. En effet, vous n’aurez pas d’autre choix que de rejeter ces propositions, permettant ainsi aux Etats Unis et à Israël, une nouvelle fois, de vous présenter, vous et le peuple palestinien, comme autant d’obstacles pour la paix. Au lieu d’attendre, nous vous invitons à agir préventivement et, avant que ne soit rendu public le cadre anticipé du secrétaire d’Etat amércain John Kerry, à faire une déclaration de principes sans ambiguïté, indiquant clairement en termes positifs plutôt qu’en termes négatifs, que vous êtes attaché à une formule de paix qui se fonde sur les droits reconnus internationalement et sur les besoins de tous les Palestiniens.

Après des dizaines d’années de lutte pour arracher les droits fondamentaux des Palestiniens, nous ne sommes pas prêts à céder et nous rejetons les tentatives de céder en notre nom, d’où qu’elles viennent. Nous faisons appel à vous en votre qualité de Président de l’OLP pour convoquer sans délai un Conseil National Palestinien (CNP) reconstitué démocratiquement et de lui confier le processus de formuler une nouvelle voie pour une paix juste et durable qui garantira les droits du peuple palestinien. Si vous suiviez cette orientation, vous auriez non seulement le soutien du peuple palestinien mais aussi sûrement l’approbation de la majorité des peuples du monde, qui depuis des dizaines d’années sont restés fermes et résolus dans leur soutien à la cause palestinienne.

Respectueusement,

From DIALOGUE REVIEW ( www.dialogue-review.com )