dialogue_fr_mini.png
imprimer

Un Etat en commun dans une patrie commune

Par Miko Peled

Benjamin Netanyahou, premier ministre d'Israël déclarait ces derniers temps,  Ce qu'il nous faut pour résoudre ces problèmes complexes [pour aboutir à la paix], c'est une façon de penser nouvelle et créatrice  . Netanyahou n'a jamais eu autant raison.

Les pourparlers de paix dans le Moyen Orient sont voués à l'échec tout comme ceux qui les ont précédés, car ils prennent pour point de départ le même principe de base faussé qui empêche d'apporter une solution au conflit. La proposition de solution se fonde sur un partage inégal de la terre. Les juifs israéliens qui forment 50% de la population, recevraient au moins 78 pour cent du territoire – probablement plus – alors que les Palestiniens qui forment l'autre moitié de la population se verraient alloués ce qui reste.

Durant les 100 années qui viennent de s'écouler, d'innombrables tentatives ont été faites pour résoudre le conflit Israélo-Palestinien par les voies du partage du territoire. Elles ont toutes échoué. Actuellement, avec les Israéliens qui vivent à leur aise sur l'ensemble du territoire, y compris dans la majeure partie de la Cisjordanie, il n'y a pas de raison d'espérer que la tentative en cours aura plus de succès. Au contraire, on peut s'attendre à ce que toute nouvelle tentative de partage du territoire soit vouée à l'échec.

Cette solution des deux États, considérée à tort comme la seule possible, est fondée sur le discours sioniste qui veut que les Juifs d'Israël ont davantage droit à cette terre que les Palestiniens. L'état de choses actuel en Palestine/Israël est le suivant: il y a 10 millions de personnes administrées par l'Etat d'Israël mais les lois qui les régissent sont différentes. Les Juifs d'Israël jouissent de la démocratie et de la liberté, les Palestiniens, citoyens d'Israël, doivent se contenter de droits restreints à l'intérieur d'Israël, les Palestiniens de Cisjordanie souffrent d'un système de dualité de pouvoirs alors que ceux de Gaza sont enfermés dans une prison à ciel ouvert qui est totalement contrôlée par Israël.

Les soldats israéliens ont le droit d'emprisonner ou de tuer les Palestiniens selon leur bon vouloir et cela sans jugement. De plus, Israël peut facilement confisquer les terres et les autres biens des Palestiniens. Pour tout recours, les Palestiniens dépouillés de leurs biens ou de leurs droits fondamentaux ne peuvent s'adresser qu'à un tribunal irrégulier qui, dans l'ensemble, se contente d'approuver les actions des militaires et du gouvernement. Le droit international est inopérant.

Israël a de nombreuses fois fait clairement connaître sa position sur les principaux problèmes du conflit : non, non, non et non. Israël ne cessera jamais d'implanter des colonies, Israël ne partagera jamais Jérusalem, Israël ne permettra jamais aux réfugiés palestiniens de revenir dans leur patrie et Israël ne reviendra jamais aux frontières d'avant 1967. En d'autres termes, Israël rejette les demandes palestiniennes – ainsi que les obligations du droit international – sans lesquelles un État libre et indépendant ne peut s'instaurer.

Les dirigeants arabes qui soutiennent les pourparlers en cours et qui se sont rendus à Washington la semaine dernière reçoivent des milliards de dollars des fonds d'aide américains aux pays étrangers. Assurément, ils ne peuvent se permettre de contredire le Président des Etats Unis. De même, le Président palestinien Mahmoud Abbas, qui était aux premières loges pour voir la manière dont son prédécesseur a été trainé dans la boue et ensuite assiégé alors que les tanks israéliens s'emparaient du siège du gouvernement palestinien à Ramallah, ne peut qu'accepter les lourdes exigences d'Israël et des Etats Unis.

On assimile souvent l'Autorité Palestinienne à un gouvernement – il y a un Premier Ministre, un parlement et un Président – mais en fait, son autorité se borne à celle que peut avoir un conseil municipal. L'Autorité Palestinienne exerce un pouvoir très limité et on lui permet de gouverner de manière très restreinte. C'est Israël qui essentiellement exerce son pouvoir de véto.

Netanyahou avait raison quand il disait que le temps était venu de penser de façon nouvelle et créatrice, mais ses mises en garde contre un État palestinien réduisent tout cela à néant dès le départ. Il est temps de rejeter le principe des deux États.

Puisque les deux peuples ont en commun une terre que tous deux revendiquent comme leur patrie, leurs destins sont liés. Il faut qu'ils envisagent leur avenir comme des égaux. Comme les Israéliens et les Palestiniens sont déjà dans une large mesure administrés par un gouvernement et un État, il est temps que leurs voix puissent se faire entendre à égalité dans ce gouvernement et qu'ils puissent parler à égalité pour décider de leur avenir commun. Un État commun qui donnerait des droits égaux et une protection égale devant la loi à tous ceux qui vivent à l'intérieur de ses frontières est la seule façon pour les deux peuples d'avoir la paix et la prospérité.

La solution des deux États est dépassée, tuée par des décennies d'une activité visant à installer des colonies inamovibles. Une démocratie pluraliste, laïque sur toute le territoire d’Israël/Palestine, sans partition ni ségrégation, sera source de créativité et de coopération et permettra aux Israéliens et aux Palestiniens d'avancer vers un meilleur avenir. Ce qui a fonctionné en Afrique du Sud et dans le Sud de l'Amérique où la ségrégation a pris fin peut fonctionner aussi bien en Israël/Palestine.


Miko Peled est un écrivain israélien, militant pacifiste, qui vit à San Diego. Le prochain livre de Peled,  Le Fils du Général  parle de son père Matti Peled, ancien général, militant pour la paix, et de son engagement dans le processus de paix israélo-palestinien. Il a écrit cet article pour PalestineChronicle.com. Voir le site: mikopeled.wordpress.com

From DIALOGUE REVIEW ( www.dialogue-review.com )